Comme suspendus dans une bulle

Mardi 2 février Cette semaine nous accompagnons un artiste que j'aime particulièrement, non seulement car il joue merveilleusement, avec liberté et générosité, mais aussi pour sa personnalité, lumineuse et profondément humaine. Il semble doté d'un don merveilleux, dont il ne tire aucune fierté mais qu'il s'emploie à faire partager. Touché par la grâce, quoi. (Toutes mes collègues me taquinent car elles me voient lui porter un amour inconditionnel, je dis juste qu'elles sont jalouses qu'on se fasse la bise épicétou...) Bien souvent, j'ai remarqué que les vraiment très grands artistes sont parfois les plus humbles et les plus accessibles, comme si le talent, le don, ne s'encombraient pas de l'ego. J'ai pu faire assister à la répétition ma meilleure amie, Lola, excellente pianiste, accompagnée de notre ami commun Piotr, compositeur. J'ai dû insister un peu car ils sont fort occupés, elle habite loin, c'est l'hiver... À la fin du concerto, Lola est venue sur scène féliciter G. , balbutiant quelques mots d'hébreu, elle qui a d'habitude le verbe haut, Piotr s'étant caché en coulisses par timidité...G. lui-même bafouillait que c'était cette musique qui était tellement belle, et ce solo de hautbois tellement incroyable, nous étions tous ennuagés de l'émotion que procure la musique quand elle approche de l'indicible... Nous avons retrouvé Piotr, avons été boire un café, il pleuvait, les couleurs des néons oscillaient dans les gouttes dégoulinant sur la vitrine... Piotr et moi avons accompagné Lola au parking souterrain qui lui flanque la trouille, elle a proposé de nous déposer en voiture alors qu'en fait aucun de nous trois n'allait dans la même direction, nous nous sommes retrouvés sur un périphérique encombré, la pluie persistait, mais nous étions bien et tenions à faire durer autant que possible ce bonheur des émotions partagées, comme ces bulles de savon qui parviennent à flotter dans l'air pendant un instant que l'on sait indéterminé mais fragile...